LA
LÉGENDE DE MAUI
A la création du monde, le soleil pensa avoir reçu la
mauvaise part : il était le seul à travailler. Regardant la Terre à
ses pieds, il enviait ses habitants de pouvoir flâner, dormir... Et
comme il était paresseux, il décida de faire comme eux!
"Après tout", se
disait-il, "je suis un dieu". "Les hommes attendent ma venue et me
rendent des hommages, je peux donc faire ce qu'il me plaît !"
Aussi, désormais, se
leva-t-il très tard, et quelques instants à peine lui suffisaient pour
traverser le ciel et se coucher derrière Moorea, pour une longue, très
longue nuit. Et la Terre en souffrait cruellement.
Il n'y avait pas assez
de chaleur pour chauffer les fours de pierres et pas assez de lumière
pour préparer les repas. Maui, le jeune guerrier, voyait les lèvres de
sa fiancée qui s'enflammaient à force de manger cru. Quand la
tristesse se fut changée en colère, il décida de vaincre le soleil.
Il partit à la
recherche des plus grosses lianes, des plus longues algues, des
écorces les plus solides. Et quand il en eut fait un immense tas, haut
comme cinq hommes, il se mit à tresser un extraordinaire filet de
lianes, d'algues et d'écorces. Le jour, il travaillait à la lumière
rapide du soleil, la nuit, il travaillait à la lueur des étoiles.
Il avait pris comme
pièce maîtresse un long cheveu de sa fiancée et, tandis que le soleil,
tout endormi et trop pressé, se hâtait de passer dans le ciel, le
filet s'agrandissait peu à peu. Enfin, le piège fut terminé. Alors,
profitant de la nuit, Maui jeta le filet sur son épaule et alla
jusqu'au récif, au bord du grand trou par lequel le soleil sort de la
mer. Puis il attendit.
Après une longue, très
longue veille, il vit une lueur qui naissait du trou. Cette lueur
grandissait et colorait les vagues et les nuages; elle se faisait de
plus en plus forte, de plus en plus intense. Les oiseaux se mirent à
chanter, et Maui sut que cette lueur était le soleil. Quand les
premiers rayons se furent engagés dans l'orifice, Maui jeta son filet,
son immense filet qui recouvrit tout le trou, enfermant le soleil.
Quand le soleil se vit
prisonnier, il se débattit avec fureur, mais le filet tint bon. Vingt
fois il tenta de sauter dans le ciel. Vingt fois, il fut repoussé.
Vingt fois il tenta de redescendre sous la terre. Vingt fois, il fut
retenu.
Alors, le soleil
commença à chauffer, de chauffer si fort que la mer se mit à
bouillonner et la terre à se craqueler, si fort que, un à un, tous les
liens du filet brûlèrent. Algues, lianes, écorces..., rien ne résista
aux flammes immenses. Rien, sauf le cheveu de la jolie fiancée de Maui.
Le soleil eut beau sauter, il eut beau chauffer, enfler, il était
saisi par le cou et il étouffait peu à peu. Il perdait peu à peu de
son éclat et enfin s'arrêta, épuisé, vaincu.
Alors Maui s'approcha:
- C'est moi, Maui, qui
ai attrapé le soleil.
Et le soleil se fit
suppliant:
- Délivre-moi, Maui,
j'étouffe.
- Non ! Je ne te
délivrerai pas. Tu resteras éternellement attaché pour le mal que tu
as fait à ma fiancée et à mon peuple. Leurs lèvres sont brûlées par
les sèves crues et leurs yeux sont emplis de nuit. Tu resteras
prisonnier !
- Maui, si tu ne me
délivres pas, je vais mourir et si je meurs, ni toi, ni les tiens ne
pourrez plus jamais vivre ! Délivre-moi!
- Promets-moi d'abord
que notre poisson et nos légumes seront cuits avant la nuit !
- Je te le promets !
Et Maui délivra le
soleil et le soleil bondit dans le ciel.
C'est depuis ce jour que le soleil se lève si tôt
et se couche si tard. Et parfois, quand on regarde le soleil se
coucher, on aperçoit, très vite, comme un mince filet vert : c'est le
cheveu de la fiancée de Maui qui a été suspendu là afin que le soleil
n'oublie jamais sa promesse...